Dans le secteur agricole d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, les petits exploitants sont majoritaires et sont les principaux clients de presque toutes les entreprises évaluées dans l’Indice. Pourtant, les stratégies formelles destinées à toucher ce groupe d’agriculteurs font défaut. La moitié des entreprises de l’Indice ne sont présentes que sur leur marché d’origine, ce qui entraîne des disparités géographiques quant au développement local du secteur semencier. L’absence d’environnement favorable représente un obstacle majeur au développement des activités semencières à l’échelle nationale et régionale.
En Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, l’agriculture de subsistance est le principal secteur pourvoyeur d’emplois. En effet, au Burkina Faso, en Guinée, en Guinée Bissau, au Mali et au Niger, 80 % à 90 % de la population active vit sur une exploitation familiale (1). De ce fait, toutes les entreprises régionales déclarent que les petits exploitants constituent leurs principaux clients, tandis que les entreprises internationales ou panafricaines indiquent que les petits exploitants représentent leur principale clientèle au moins sur certains marchés. Pourtant, seules dix entreprises évaluées dans l’Indice (43 %) se sont formellement engagées à s’adresser à ce groupe clé, souvent associé à une amélioration de la durabilité environnementale et à une augmentation de la rentabilité. Parmi elles, cinq seulement (22 %) ont adopté des objectifs clairs ou des mécanismes de suivi.
La multinationale Syngenta est en tête du classement. Elle s’est en effet engagée à fournir 20 millions de petits exploitants d’ici à 2020 (ce nombre s’élevait à 13,9 millions de personnes en 2017) et à améliorer leur productivité de 50 % grâce à des activités stratégiques plus spécifiques à la région dans le cadre du programme Seeds2B de la Fondation Syngenta. Seeds2B met clairement l’accent sur l’amélioration de l’accès aux semences pour les exploitants au stade pré-commercial, et l’initiative concerne environ 265 000 paysans par an, y compris au Mali et au Sénégal. Seed Co, présente essentiellement en Afrique de l’Est et en Afrique australe, élargit actuellement ses opérations à l’Afrique de l’Ouest et à l’Afrique centrale. Pour elle, la coopération avec les petits exploitants s’avère essentielle sur les marchés émergents. L’entreprise déclare s’être fixé un objectif de 40 millions de petits exploitants fournis en Afrique subsaharienne d’ici à 2025.
L’entreprise nigériane Value Seeds, qui s’est engagée à rendre ses semences accessibles facilement à des communautés ciblées de l’État de Kaduna et qui s’est fixé l’objectif très ambitieux d’approvisionner 10 millions de petits exploitants d’ici à 2035, fait figure de pionnière parmi ses pairs. Corteva Agriscience et Monsanto se sont fixé pour objectif de fournir respectivement 3 et 4 millions de petits exploitants à l’échelle mondiale d’ici à 2020, y compris en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Toutefois, aucune de ces entreprises n’a communiqué de données indiquant qu’elle effectuait un suivi des avancées réalisées dans ce domaine à l’échelle régionale ou nationale.
Des entreprises telles qu’Agriplus Mali et Da-Allgreen Seeds font preuve de transparence, et donc d’une responsabilité plus grande envers les parties prenantes, en publiant sur leurs sites Web leurs engagements visant à renforcer l’autonomie des petits exploitants et à augmenter leurs sources de revenus, bien qu’elles ne fixent aucun objectif. Plusieurs semenciers de la région déclarent avoir défini des politiques, des objectifs ou des mécanismes de suivi efficaces, mais refusent de les rendre publics. L’objectif de Faso Kaba est de fournir le nombre de petits producteurs nécessaire pour éradiquer la malnutrition et la faim au Mali. Pour Semagri, le développement d’un réseau de distribution aux petits exploitants du Cameroun constitue un objectif clé. En outre, Technisem, Nankosem et Tropicasem, autres membres du groupe Novalliance, se sont conjointement engagées à créer 200 magasins dans l’ensemble de la région.
Seules les multinationales font référence aux Objectifs de développement durable. Afin que le secteur respecte ces Objectifs, les autres entreprises évaluées dans l’Indice devraient envisager d’associer leurs stratégies liées aux petits exploitants à celles concernant le développement durable, comme le fait Syngenta dans son Good Growth Plan.
Les entreprises de l’Indice ont leur siège dans huit pays de la région : le Burkina Faso (NAFASO, Nankosem), le Cameroun (Semagri), la Côte d’Ivoire (BILOHF), le Ghana (Heritage Seeds), le Mali (Agriplus Mali, Faso Kaba, SOPROSA), le Niger (AINOMA), le Nigéria (Da-Allgreen Seeds, Maslaha Seeds, Premier Seed, Value Seeds) et le Sénégal (SEDAB, Tropicasem), chacun de ces pays comptant un certain nombre d’autres entreprises semencières. En conséquence, ces huit pays sont les seuls dans lesquels les sociétés déclarent avoir mis en place des activités visant spécifiquement à renforcer le secteur semencier local. De plus, les collaborations avec des groupes d’exploitants ou des coopératives ne sont signalées que dans ces pays, et sont essentiellement le fait d’entreprises régionales. La production de semences devient une activité centrale pour le développement du secteur et la mobilisation de ces acteurs.
Les activités visant spécifiquement le développement du secteur semencier concernent le plus souvent trois pays. Au Burkina Faso, NAFASO s’efforce de développer et d’élargir la production de riz de Bobo-Dioulasso, tandis que dans le Sourou, Nankosem met en place un réseau de production afin d’augmenter la productivité agricole globale de la région. Au Nigéria, Da-Allgreen Seeds ne cesse de promouvoir l’adoption de technologies des semences plus performantes, établissant pour cela des partenariats avec des organisations locales et internationales afin de stimuler les améliorations dans le secteur et d’augmenter la productivité des petits exploitants. Value Seeds, également située au Nigéria, a conclu un partenariat avec l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA) pour la multiplication des semences de base de qualité destinées aux semenciers locaux, et afin de mettre au point des technologies de production du maïs et du riz visant à augmenter le potentiel de rendement des petits exploitants. Au Sénégal, Tropicasem indique jouer un rôle dans le développement du secteur de l’oignon, notamment en participant à l’élaboration des réglementations concernant les semences importées afin d’augmenter les niveaux de production.
C’est au Sénégal que les collaborations à l’échelle locale semblent les plus nombreuses. La SEDAB a conclu des accords contractuels avec les organisations paysannes locales et apporte son aide aux petits exploitants, notamment en octroyant des crédits et en recrutant des agents techniques qui guident les agriculteurs dans le processus de production. De même, la SOPROSA collabore avec les organisations de production de semences, tout comme Semagri au Cameroun et AINOMA au Niger. Agriplus Mali est l’une des deux entreprises semencières à avoir participé à un programme d’EUCORD/de l’ICRISAT qui s’est déroulé de 2014 à 2017 dans les régions de Mopti et de Sikasso, au Mali. Le projet visait à renforcer les liens entre le secteur privé et les petits exploitants, et prévoyait la signature de trois contrats de production de semences entre l’entreprise et les coopératives. Syngenta est la seule entreprise implantée en dehors de la région à signaler des collaborations avec le secteur local, des activités de formation et de renforcement des compétences auprès de groupes de petits producteurs de riz au Nigéria ainsi que l’introduction de variétés améliorées mises au point par AfricaRice.
Comme indiqué plus haut, les pays dans lesquels aucune entreprise de l’Indice n’est implantée souffrent d’une absence d’activités stimulant le développement du secteur semencier et d’un nombre insuffisant de collaborations à l’échelle locale. Dans des pays tels que la Guinée équatoriale (qui compte une entreprise évaluée par l’Indice), la Guinée Bissau (une entreprise), la République centrafricaine (deux entreprises) et le Tchad (deux entreprises), le développement du secteur semencier se révèle limité, l’insuffisance des contributions des entreprises constituant l’une des nombreuses causes possibles à ce problème.
Presque toutes les entreprises évaluées dans l’Indice sont membres d’associations de commerce des semences, à l’échelle nationale ou régionale. Grâce à ces associations, les sociétés peuvent contribuer à la création d’un environnement plus favorable tant pour les exploitants que pour les entreprises, le plus souvent en s’efforçant d’harmoniser les politiques régionales et les réglementations nationales ainsi que l’enregistrement et la certification des semences. Cependant, en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, le contexte pour le développement des échanges, l’introduction de variétés de semences améliorées et la stimulation des investissements privés se révèle difficile, et seules sept entreprises (32 %) déclarent s’être penchées sur ces questions. Une autre donnée illustre les disparités géographiques : le fait que 14 pays (64 %) ne comptent aucune association reconnue sur le commerce de semences ou qu’aucune entreprise de l’Indice n’y soit représentée lorsqu’une association de ce type existe.
Syngenta est l’entreprise qui contribue le plus à la création d’un environnement plus favorable, notamment grâce aux activités de la Fondation Syngenta. À l’échelle régionale, la Fondation utilise son modèle Connect pour recenser les nouvelles variétés, évaluer leurs performances, faciliter l’enregistrement afin d’autoriser les ventes, et éliminer les risques liés à l’entrée des semences et à la distribution par les courtiers. Elle indique également avoir mis en œuvre l’initiative harmonisée d’introduction des semences de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CÉDÉAO). De plus, la Fondation déclare que 300 millions de consommateurs africains (petits exploitants et autres) bénéficient de ses activités. Elle a en effet contribué à l’adoption de 15 textes de loi à l’échelle nationale. En 2015, elle a entamé une collaboration avec New Markets Lab sur une étude de cas réalisée au Ghana et visant à évaluer le rythme des efforts menés dans le pays pour mettre en œuvre la politique semencière régionale ainsi que l’impact (ou l’absence d’impact) de l’harmonisation à l’échelle régionale. Tropicasem souligne également sa contribution à l’amélioration des réglementations et de l’harmonisation au sein de la CÉDÉAO. Seed Co, quant à elle, sélectionne et teste des variétés au Nigéria et au Ghana en prévision de son expansion régionale, et estime que l’harmonisation des législations permettra d’accélérer le processus. L’entreprise est ainsi membre de l’Association nationale de commerce des semences du Ghana (NASTAG) grâce à laquelle elle participe activement à l’élaboration de politiques et au développement du secteur semencier national.
Quatre entreprises régionales ouvrent la voie grâce aux contributions effectuées sur leurs marchés d’origine (qui est parfois le seul marché sur lequel elles sont présentes). Value Seeds est membre du Comité technique de la Seed Entrepreneurs Association of Nigeria (SEEDAN). Dans ce cadre, l’entreprise est responsable des actions de sensibilisation auprès des partenaires et acteurs publics clés. Premier Seed est également un membre actif de la SEEDAN, et dirige les activités liées aux réformes des politiques semencières dans le cadre du projet Seed Policy Enhancement in African Regions (SPEAR). Au Burkina Faso, Nankosem participe à l’élaboration de la réglementation nationale sur les semences, tandis que BILOHF milite en faveur d’une réduction des taxes sur les semences et participe aux ateliers relatifs à la certification au sein de l’Association nationale des semenciers de Côte d’Ivoire.
À l’exception de Syngenta et Seed Co, aucune des entreprises dont le siège se trouve en dehors de la région (Corteva Agriscience, East-West Seed, Monsanto, Pop Vriend Seeds et Technisem) n’est membre d’une association semencière nationale, ces cinq sociétés se contentant d’apporter une contribution à l’échelle régionale au sein de l’Association Africaine du Commerce des Semences (AFSTA). Sept entreprises se déclarent membres d’une association au Nigéria, et trois appartiennent à une association au Ghana, au Mali ou au Sénégal. Toutefois, 14 pays ne comptent aucune association d’échange de semences ou aucune entreprise de l’Indice représentée au sein de ces organisations, ce qui constitue un obstacle supplémentaire au développement du secteur semencier dans ces pays.
Dix entreprises (43 %) n’ont mis en place aucun code de conduite dans un ou plusieurs des domaines suivants : lutte contre la corruption, activités de lobbying, responsabilité sociale et normes de travail. Quatre sociétés déclarent disposer d’un code de conduite sans en fournir la preuve, et cinq autres ont adopté un code de conduite qui n’a pas été rendu public dans un ou plusieurs des domaines cités. Sur les quatre entreprises restantes (17 %) disposant de codes de conduite publics, les multinationales Corteva Agriscience, Monsanto et Syngenta sont clairement leaders en la matière, BILOHF étant la seule entreprise régionale mettant ces informations à disposition de tous. Sur son site Web, l’entreprise publie d’ailleurs sa charte éthique dans laquelle elle énonce ses responsabilités envers ses employés, les communautés dans lesquelles elle mène ses activités et ses actionnaires. Il s’agit notamment d’améliorer les conditions de vie, la santé et l’éducation des citoyens, de favoriser le développement durable et d’offrir une rémunération équitable ainsi que des conditions de travail sûres à ses employés.
Les entreprises accusant un retard dans ce domaine sont encouragées à suivre l’exemple des leaders qui publient des codes de conduite exhaustifs, proposent des formations régulières à leur personnel et contrôlent la conformité de toutes les opérations internes et souvent de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Ces codes s’inspirent souvent de normes externes telles que la Déclaration universelle des droits de l’homme ou les traités de l’Organisation internationale du Travail. En optant pour la transparence, les entreprises érigent ces codes en références à partir desquelles leurs performances peuvent être évaluées, ce qui permet aux parties prenantes de réaliser des contrôles et des mesures de meilleure qualité. Bien qu’il soit impossible pour de petites entreprises régionales aux ressources limitées de mettre en place des normes et des formations aussi exhaustives, les sociétés qui ne disposent actuellement d’aucun code de conduite devraient au moins s’efforcer de suivre l’exemple de BILOHF.
Value Seeds veut rendre ses semences accessibles à pied à des communautés ciblées de l’État de Kaduna et s’est fixé l’objectif ambitieux de fournir 10 millions de petits exploitants d’ici à 2035. En outre, l’entreprise souhaite pallier les lacunes dont souffrent les petits exploitants grâce à des technologies agricoles innovantes qui augmentent les rendements, améliorent la nutrition et permettent de vivre de l’agriculture.
Officiellement créé en 2015, Novalliance regroupe plusieurs entreprises semencières, notamment Nankosem, Semagri et Tropicasem, qui distribuent toutes les semences de Technisem. Le PDG de Technisem, dont le siège se trouve en France, joue un rôle essentiel tant au sein de l’entreprise qu’en tant que fondateur de Novalliance. Le groupe mène des activités collectives de sélection et de marketing et a mis en place de solides stratégies d’accès aux semences. Il propose une gamme diversifiée de semences et de variétés potagères aux petits exploitants de l’ensemble de la région.